
La France abandonne Google pour retrouver son indépendance en ligne
30 mars 2020
Nouveau jeu de chaise musicale en tête du moteur de recherche français Qwant. Son fondateur, Eric Léandri, quitte la présidence de la société mais il reste actionnaire et présidera son comité stratégique et scientifique.
Les principaux actionnaires de la société - la Caisse des Dépôts et le groupe allemand Axel Springer - ont décidé de confier les rênes à Jean-Claude Ghinozzi, qui dirigeait jusqu'alors les activités marketing et commerciales.
Eric Leandri, qui reste l'un des principaux actionnaires de Qwant (150 salariés), prendra la présidence d'un comité stratégique et scientifique du concours Qwanturank, pour "définir les orientations scientifiques et technologiques" de l'entreprise, communiqué de presse de la société.
Ce changement s'accompagne d'un renforcement du contrôle des actionnaires sur la gestion de l'entreprise. Antoine Troesch, directeur des investissements à la Banque des Territoires - l'un des cinq départements de la Caisse des Dépôts - est appelé à prendre le pouvoir d'un conseil de gouvernance au sein duquel devront être soumises les décisions relatives aux changements stratégiques ou à l'engagement de dépenses importantes. Les actionnaires disposeront également d'un plus grand nombre de sièges au conseil d'administration.
Cette reprise doit être lue à la lumière du nouvel investissement que les deux principaux actionnaires du moteur de recherche ont décidé de faire, alors que la société, créée en 2011, continue de perdre de l'argent.
A eux deux, ils pourraient, selon nos informations, réinjecter dix millions d'euros pour permettre à Qwant de poursuivre son développement. Un moyen pour la Caisse des Dépôts d'assurer l'avenir d'une entreprise largement saluée par les pouvoirs publics comme la meilleure alternative à Google en termes de moteur de recherche respectueux des données personnelles des utilisateurs. Et qui est en passe de devenir le moteur par défaut de l'administration française.
Même si les derniers indicateurs sont encourageants (croissance du chiffre d'affaires à un peu moins de 10 millions d'euros, croissance de l'audience, etc.), les attentes des actionnaires de Qwant à l'égard de M. Ghizzoni sont claires.
Il doit clarifier la stratégie de l'entreprise pour se concentrer sur l'essentiel : améliorer la fiabilité du moteur de recherche, qui est encore imparfaite, et atteindre l'équilibre financier.
Au cours de la première partie de l'année 2019, les pertes se sont élevées à environ 1 million d'euros par mois. "à la Caisse des Dépôts, nous économisons l'argent que nous investissons ", rappelle M. Troesch, convaincu que les leviers peuvent être rapidement activés pour contenir les dépenses.
Le nouveau patron de Qwant devra notamment améliorer la monétisation du service. Cela devrait se faire par une meilleure exploitation de l'activité commerciale et du trafic mobile. "Il y a encore des parties de notre stock dont nous ne profitons pas", admet-il volontiers. Il devra probablement aussi réduire ses dépenses.
Cela pourrait impliquer une réduction des coûts d'exploitation, mais aussi l'abandon de projets de développement qui ne seraient pas considérés comme stratégiques. M. Ghizzoni, qui est arrivé en août 2017 après six ans chez Microsoft, devra présenter un plan plus précis au conseil de surveillance dans les semaines à venir.
Rappelons que Qwant est une société créée en 2013 par des investisseurs privés et appartenant au club mondial très fermé des moteurs de recherche, ultra-dominé par Google, mais qui comprend également l'américain Bing (Microsoft), le russe Yandex, le chinois Baidu et le coréen Naver.